L’ennui, un anesthésiant naturel !

Anastasia s’ennuie. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas expérimenté ce vide étourdissant, ce laisser-aller amorphe qui la laisse K.O sur le bord de la route.

Son plus vieil ennemi n’était plus revenu à la charge depuis très longtemps. Il avait reconnu sa défaite et, bon prince, l’avait laissée à ses activités, à ses réflexions, à ses joies, à ses envies. Mais, aujourd’hui, il a profité d’une petite brèche et n’a pas hésité à charger. Comme s’il prenait sa revanche. Son attaque est d’autant plus violente qu’elle est inattendue.

Il s’insinue sournoisement. Au début, on ne sent rien. Puis, les signes de sa présence ne trompent plus. L’énergie qui s’évapore, l’immense fatigue qui s’installe, le manque d’entrain qui s’enracine ; et pour bouquet final, une torpeur géante qui anesthésie toute velléité de pensées. Alors, on sait. On sait qu’il est là. C’est son cocktail signature.

Et les souvenirs affluent ; ils remontent à la surface, aussi clairs et vifs que s’ils étaient présents. Pourtant Anastasia les avait presque oubliés ; elles les avaient remisés, cadenassés dans des petits coffres. Apparemment, les verrous n’étaient pas suffisamment solides ou sophistiqués et ils avaient sauté au premier assaut.

Quand elle était enfant, l’ennui était son adversaire journalier. Elle redoutait le moment de son arrivée. Mais inévitablement, il finissait par s’installer même si elle espérait de toutes ses forces qu’il l’oublie dans sa tournée.

Elle avait beau jouer, lire, faire ses devoirs, mais très vite, il se présentait à elle et ne la quittait plus. Obstinément, elle se raccrochait à ses activités et en voulait davantage, …des livres, des jeux, des devoirs pour le repousser le plus loin possible, mais à court de matière et de ressources, elle devenait triste et solitaire, enfermée dans un profond cafard. On pensait même -faussement- qu’elle en voulait à la terre entière, se souvient-elle.

L’ennui a dû faire un pacte avec le temps ; pas possible autrement constate Anastasia, quand il s’installe, le temps s’étire et se soumet ; il devient son petit soldat. L’ennui se fait alors tout puissant. Les secondes deviennent des heures. Tic, tac… des heures creuses, immobiles qu’il faudrait secouer.

Elle se souvient de ces longues après-midis où il ne se passait rien ; figée, elle subissait l’ennui comme une présence inévitable. Fataliste, elle se disait qu’un jour il finirait bien par se lasser…

Rompre le rythme du temps, rendre aux heures leurs minutes, redonner de la couleur à la vie, peut-être est-ce le secret de la victoire pour maintenir le spectre de l’ennui à distance … se demande Anastasia.

Essais cliniques en cours…Résultat de l’expérience sous quelques heures ! Elle se frotte déjà les mains…