Le monstre déboiseur attaque (suite)

Ghis écrit, Graines de rêves

Le monstre déboiseur attaque (suite)

Les cimes viennent de l’apercevoir. C’est lui, là-bas, au loin. Aussitôt, elles donnent l’alerte. Les feuilles vibrent, les branches se ploient, et l’information se propage à grande vitesse dans la forêt.

Depuis le grand conseil de guerre, les habitants savent exactement ce qu’ils doivent faire si le monstre déboiseur osait les envahir. Ils sont prêts à se défendre.

Les oiseaux cessent de chanter. Zéphyrin ne souffle plus. Sunny, le petit soleil, rappelle ses rayons, un à un, pour qu’une nuit opaque s’installe.
Le silence est maintenant si total qu’il en devient effrayant.

Le monstre déboiseur s’approche. Il n’est pas discret. Le sol craque sous son poids, la terre tremble. Sa respiration résonne déjà dans la forêt. Il salive à l’avance en pensant au bon bois qu’il pourra savourer.

Il est surpris de voir la nuit régner au-dessus de la forêt. Mais peu lui importe : il est si fort. D’un dernier pas de géant, il y est.

Alors qu’il lance sa patte pour pénétrer dans la forêt, il ressent une violente morsure. Il hurle de surprise et de douleur. Il retire vivement sa patte. Cette petite forêt paraissait pourtant si anodine et fragile…

Toujours alléché par la perspective de manger du bon bois, il décide de chercher une autre entrée. Il bondit dans la nuit de la forêt.

Mais à sa grande stupeur, il atterrit dans un enchevêtrement de pics et d’aiguilles. Il ne peut plus bouger. Chaque mouvement lui arrache une douleur intense. Il est prisonnier. Lui, le monstre infaillible.

— Au secours ! Aidez-moi à sortir ! hurle-t-il à tout va.

Les habitants de la forêt restent silencieux. Puis une délégation s’avance :
Monsieur le Gros Pig, chef de la famille sanglier, Monsieur le Grand Boisé, chef des cerfs, Monsieur le Grand Rusé, chef des renards, et Monsieur le Merle.
Le monstre crie toujours.
Sunny envoie deux de ses rayons pour éclairer les visages de ses amis.

Le monstre prend conscience qu’il est observé. Enfin, de l’aide ! pense-t-il. Mais les quatre chefs restent immobiles. Cela l’agace.

— Remuez-vous ! Venez me libérer, au lieu de me regarder bêtement !

La délégation ne bouge pas.

— Sortez-moi de ce piège ! tonne-t-il, furieux.

— Non, répond fermement Monsieur le Gros Pig.

Le monstre est interloqué.

— Vous n’allez tout de même pas me laisser prisonnier de ces aiguilles !

Il n’a pas l’habitude qu’on lui désobéisse.

— Vous n’êtes pas le bienvenu ici, dit Monsieur le Grand Boisé.

— Nous savons que vous venez nous dépouiller, ajoute Monsieur le Grand Rusé.

— Vous êtes notre prisonnier, conclut Monsieur le Merle. Il n’est pas question de vous libérer.

Pour la première fois de son existence, le monstre prend peur. Et s’il terminait sa vie, torturé par des aiguilles infernales ?

La délégation l’observe, silencieuse.

Le monstre réfléchit. Il ne veut qu’une chose : s’en aller et ne plus jamais revenir.

— S’il vous plaît… plaide-t-il. Aidez-moi à sortir, et je vous promets de ne plus vous importuner.

La délégation se resserre pour délibérer.
Après un long moment de discussion, ils tombent d’accord sur sa libération.

— Nous allons vous libérer, annonce Monsieur le Merle, mais à une condition.

Le monstre retient son souffle. Il veut sortir, à tout prix.

— Je vous écoute.

— Vous devez laisser toutes les forêts tranquilles. TOUTES. Changez de mode de vie. Si jamais nous apprenons que vous déboisez encore, vous aurez affaire à nous. Et cette fois, vous ne vous en sortirez pas.

Un silence pesant suit la menace. Elle est claire.

— C’est d’accord, dit le monstre. Je vous le promets. Mais… je ne sais pas comment je vais me nourrir, maintenant…

— Réfléchis ! répond Monsieur le Grand Rusé. Tu peux te reconvertir…

Il est temps, à présent, de tenir parole et de libérer le monstre.

Zéphyrin souffle un grand coup. Par la magie de la forêt, les épines s’écartent, libérant le monstre. Puis elles se referment aussitôt.

Titubant, le monstre sort du fourré et s’éloigne aussi vite que ses membres blessés le lui permettent.

Alors, Sunny lance tous ses rayons. Le jour éclatant revient.
Zéphyrin souffle de bonheur. Le ciel redevient bleu.
Et les oiseaux entament le concert de la victoire.

Ouf ! Contre toute attente, ils ont réussi à se protéger.

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