Anastasia ne s’était jamais vraiment penchée sur le sujet. Plutôt en déni, elle ne voulait pas s’appesantir sur le déplaisir du spectacle désolant de leur carcasse menaçante surgissant inopinément dans son angle de vision. Dans cette incursion involontaire au pays des excroissances monstrueuses, sa méthode était de détourner le regard et de fuir.
Tel un tableau de piètre goût, la présence de l’éolienne l’indispose.
Elle est nécessaire parait-il, c’est un process de transformation, rien de plus ; lui assure-t-on. Une transition obligée vers une nouvelle gestion de l’énergie. Une énergie « propre » pour demain. Anastasia écoute attentivement les justifications mais reste pensive.
A son grand désarroi, elle ne peut continuer de les ignorer et se voit cernée de champs entiers d’éoliennes ! Les squelettes de métal s’invitent partout ; aucun recoin n’est épargné, crêtes, valons, tout est bon. Comme dans un cauchemar, ils prolifèrent sournois et dominants. Une invasion. Comment les arrêter ?
Anastasia est prise de vertige. Elle a du mal à reconnaitre ses beaux paysages dans cet horizon haché, strié de gros ventilateurs. Comme si la campagne, lasse de se battre et atteinte de folie perverse, se laissait défigurer.
Pourquoi ce matraquage ? Anastasia voudrait comprendre.
Les partis politiques ? qui se colorent de vert et se donnent la main pour montrer qu’ils savent s’acharner à tenir leurs promesses ?
Le couple industriel-investisseur ? qui peut enfin imposer la tendance sans discernement, trop excité par ce créneau juteux. Complices et compères. Chacun y trouve son compte.
La population ? Elle n’entend qu’un son. Le plus fort. Celui que les médias brandissent : Energie de demain, Economie d’énergie. Energie propre. Energie verte. Sauvegarde de la planète. Elle est persuadée que c’est un mal pour un bien. Convaincue et apaisée, elle accepte tous les sacrifices. Au nom de demain, elle se rend malade.
L’entreprise fait des profits, l’investisseur fructifie sa mise. Ensemble ils deviennent les garants d’un futur propre ; ils acquièrent une conscience citoyenne. La population, elle, se mine et la campagne atrophiée, s’enlaidit.
Pour une poignée de sous que ne ferait-on pas !
Pour une poignée d’élus, c’est l’extase. Une pluie de bénédictions et de profits. Mais ces extasiés, côtoient-ils leur chef d’œuvre de près, ? de loin ? Exceptionnellement ? Définitivement ?
J’en doute se dit Anastasia. Ils ne saccageraient pas leur cocon, et veilleraient à préserver leur bien-être, l’harmonie de leur environnement et leur tranquillité.
Que faire alors ?
L’histoire ressemble un peu trop à celle du pot de terre contre le pot de fer.