La roue tourne

Au fil des jours, Ghis écrit

La roue tourne

Je me souviens des paroles d’un proche m’alertant avec conviction :
« Attention, la vie, c’est une roue qui tourne et, quoi que tu fasses ou quoi que tu dises, elle tourne inexorablement. »

Pour l’enfant que j’étais, cette remarque ne signifiait pas grand-chose, sinon une évidence implacable : une roue, ça tourne.
Pfut ! On oublie la roue.

Les années passent, bien remplies.
Chargées de rêves, de déceptions, de tensions, de joies et de grands bonheurs.
Puis un jour, sans savoir pourquoi, on se souvient.

La roue qui tourne.

On l’imagine maintenant.
Gigantesque, silencieuse.
Son rythme est indécelable. Elle est parfaite.

Sauf que… un peu, beaucoup, sournoise, la roue.
On ne la voit pas tourner, on ne la sent pas bouger.
Elle s’arrange pour travailler à notre insu, quand on regarde ailleurs.

Un beau jour, on constate son empreinte sur le front plissé de nos proches.
Puis le miroir nous renvoie l’image désastreuse d’un décalage flagrant entre notre perception de jeunesse et la réalité :
Mais c’est qui, celle-là, cette étrangère qui me regarde ?

Cette roue n’est pas si parfaite, finalement.

Parfois, elle se grippe.
C’est le chaos : le déjà-vu, la panique, le grain de folie ou le trou de mémoire.
Puis elle se ressaisit, et la confusion s’efface comme si elle n’avait jamais existé.

Elle n’a pas de marche arrière.
Impossible de rétrograder pour changer de route ou effacer une parole, un geste.
Il semblerait qu’on n’ait pas droit à l’erreur avec cette roue.

Dans sa grande sagesse, tout cela, il le savait, ce proche disparu aujourd’hui.

Mais j’y pense : si elle ne peut faire marche arrière, elle peut ralentir
et nous offrir des instants d’éternité.

Oui, elle tourne inexorablement, c’est vrai,
mais elle sait aussi apprivoiser le temps, l’abolir parfois,
pour notre plus grand bonheur, en accordant le passé au présent.

Hier, avant-hier, demain,
les souvenirs et les rêves ne font plus qu’un
sur cette roue fantasque.

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