Bébé Stratus est excité. C’est son tout premier bain de ciel aujourd’hui, sa première grande sortie.
On lui avait tant parlé des glissades, des couleurs, des reliefs, des gouttes d’eau, qu’il n’avait qu’une hâte : y participer. Son rêve allait enfin se réaliser.
Avec la bénédiction de ses parents, il suivit donc la ribambelle de ses frères et cousins, les Cumulus.
Pour ses premiers pas dans l’immensité, il s’accrocha aux boucles de son petit frère et se laissa bercer par les amples mouvements de balancier de la tribu.
Vertige et plaisir. L’émotion était intense.
Prenant de l’assurance, il se roula, se retourna, se laissa chavirer avec délice, poussant de petits cris de joie. Ses minuscules boucles blanches et cotonneuses ballottaient comiquement au rythme de ses déplacements.
Il s’amusait comme jamais.
À l’affût de sensations nouvelles, il tenta de savantes chorégraphies. Il flottait, s’enivrait de sa légèreté et de sa liberté. Ses gloussements de plaisir cascadèrent à l’infini.
Les paysages qui défilaient sous lui étaient fabuleusement dessinés et variés.
Peu à peu, cependant, la lumière intense l’alerta. L’ombre rassurante de sa famille avait disparu. Le ciel était entièrement dégagé, et l’espace, devenu trop large.
Ses frères et cousins n’étaient plus là.
— Hé ho ! Où êtes-vous ? Où vous cachez-vous ? cria-t-il.
Il savait qu’ils étaient farceurs, et que, pour sa première sortie, ils lui avaient peut-être préparé une blague.
Mais les émotions l’avaient fatigué, et il voulait rentrer.
Aucun signe de la famille. La panique le gagna.
Et s’ils l’avaient oublié ? Et s’il ne les revoyait jamais ?
— S’il vous plaît, revenez… je ne sais pas comment rentrer, implora-t-il d’une voix chevrotante.
Désespéré, Bébé Stratus se cala dans un minuscule coin du ciel et pleura à petites gouttes. C’est ce qu’il faisait quand il avait peur et qu’il était fatigué.
Zéphyrin, qui a l’ouïe très fine, entendit de petits gémissements et tenta d’en repérer l’origine. Il se leva, balaya la cime des arbres d’un élan magistral. Rien.
« Tout de même, je n’ai pas rêvé », se dit-il.
Il stoppa son envolée et écouta attentivement. À nouveau, le même son plaintif.
Piqué de curiosité, il se hissa et tourbillonna plus haut.
Soudain, il aperçut une petite tache blanche tassée dans un coin du ciel. Intrigué, il s’approcha et distingua un bébé nuage.
— Que fais-tu là ? demanda-t-il, déconcerté de le voir tout seul.
Bébé Stratus sursauta au son de la voix.
— Je suis perdu… mes frères et mes cousins sont repartis et m’ont oublié, sanglota-t-il.
— Ne t’inquiète pas, répondit Zéphyrin, touché par sa détresse. On va t’aider à retrouver ton chemin. Fais-moi confiance.
— Merci, Monsieur Zéphyrin, murmura Bébé Stratus, plein d’espoir.
Aussitôt, Zéphyrin balaie le ciel. Bébé Stratus avait raison : sa famille était rentrée et l’avait oublié. Il faut dire qu’il était si petit…
Zéphyrin réfléchit. Une idée lui vint.
— Sunny ! cria-t-il, pourrais-tu te montrer ? On a besoin de ton aide !
Sunny, le petit soleil, n’est jamais bien loin. Il apparut, un peu pâlot.
— Que t’arrive-t-il ? s’inquiéta-t-il.
— Moi, rien, répondit Zéphyrin, mais Bébé Stratus est perdu.
En quelques mots, il lui résuma la situation.
Sunny se gratta les rayons et réfléchit un instant.
— Et si on demandait aux oiseaux de lancer un avis de recherche ?
— Excellente idée, Sunny ! Tu es si intelligent ! s’exclama Zéphyrin en trépignant de joie.
Aussitôt, les deux amis convoquèrent une assemblée générale. Les oiseaux accoururent avec empressement. Quand on a besoin d’eux, ils sont toujours là — surtout s’il s’agit de sauver un bébé.
Zéphyrin leur expliqua la mission :
« Lancer un avis de recherche à grande échelle : la famille Stratus et Cumulus est demandée d’urgence, car un de leurs petits a été oublié. »
Les oiseaux, toutes familles confondues, redoublèrent de vitesse pour porter l’avis de recherche aux quatre coins du ciel.
Le temps sembla se figer.
Bébé Stratus avait cessé de pleurer et somnolait. Sunny et Zéphyrin l’entouraient, l’un le réchauffant de ses rayons, l’autre le caressant de son souffle.
Soudain, Sunny pointa du bout d’un rayon un convoi de nuages déboulant de l’autre côté du ciel : la famille Stratus et Cumulus au grand complet !
La couverture nuageuse se dirigea vers Bébé Stratus et l’enveloppa tendrement. On ne le voyait même plus !
— On t’avait oublié… on est vraiment désolés, dit son petit frère.
J’espère que tu nous pardonneras. Désormais, nous veillerons bien sur toi, c’est promis.
Bébé Stratus sécha ses gouttes et sourit aux anges.
Monsieur Stratus père remercia vivement Zéphyrin, Sunny et tous les oiseaux.
Puis, à son signal, la famille Stratus et Cumulus s’éloigna doucement, emportant son précieux trésor.
Pour son tout premier bain de ciel, Bébé Stratus s’en souviendra longtemps.
Et Zéphyrin, Sunny, et tous les autres aussi !
