Je m’appelle Poppy. Mon pelage est moucheté de belles taches rousses et on me trouve très mignon. Ma maitresse, Lilas, est une jolie petite fille très douce. Je l’adore et je ne la quitte pas d’une patte. Tous les deux on s’amuse bien.
Quand j’étais bébé, Lilas me donnait le biberon. Maintenant c’est fini, j’ai grandi, même si parfois, j’oublie encore où je dois faire mes besoins. J’adore mordiller les chaussons et les cacher et aussi manger le chocolat de son goûter. Je n’écoute pas toujours ce que l’on me dit de ne pas faire mais dans le fond, on m’aime bien !
Or, aujourd’hui, quelque chose de très étrange m’est arrivé.
Tout d’abord, j’ai commencé la journée en faisant une énorme, énorme bêtise.
Je me suis échappé de la maison pour suivre ma petite maitresse à l’école. Je lui ai fait la surprise de bondir à son côté dans le car. Elle était si heureuse qu’elle m’a couvert de baisers et tous les enfants scandaient mon nom « Poppy », « Poppy » J’étais très fier. J’adore être une star. En plus, c’était la première fois que je prenais le car et cela m’a plu, j’aime voyager !
Mais, une fois arrivé à l’école, une dame m’en empêché de suivre ma Lilas et m’a enfermé dans une pièce sombre. C’était terrible. Puis la porte s’est ouverte, et c’est la maman de Lilas qui est venue me chercher. Elle était furieuse. Je le sais car elle agitait violement son doigt en me déposant à la maison.
Moi aussi j’aurai bien aimé aller à l’école et apprendre l’anglais… Je me sens si triste… et si seul. Je m’ennuie. J’ai un peu joué avec les chaussons puis je suis parti me coucher dans le lit de Lilas en bousculant Nounours et Sylvie sa poupée chiffon ; ces deux-là se partagent son oreiller.
Je sais que je n’ai pas le droit d’y aller mais c’est plus fort que moi ; il y a son odeur et aujourd’hui j’ai vraiment besoin de réconfort.
La chambre de Lilas est spacieuse et lumineuse. J’ai l’impression de me promener dans une prairie tant les couleurs sont belles. Sur les murs, des arbres, des fleurs et des papillons. Son lit de princesse est calé contre un mur et se fond dans le ciel.
Alors que je m’installe confortablement sur le lit, la porte de la chambre se referme en claquant. Je ne supporte pas les portes fermées car j’ai l’impression d’être pris au piège. Je m’élance donc vers la porte pour l’ouvrir mais la poignée est haute et j’ai beau bondir, je n’arrive pas à l’atteindre.
Soudain, j’entends :
-tu n’y arriveras pas.
Je ne comprends pas d’où ces mots peuvent venir, sachant qu’il n’y a personne dans la maison ; je continue donc à sauter pour atteindre la poignée.
Mais une voix rocailleuse répète plus fort cette fois-ci :
-tu n’y arriveras pas.
Je me retourne. Il n’y a personne. Mais, je perçois comme un mouvement. Le nounours qui était par terre, se relève et s’avance ! … Puis, c’est Sylvie, la poupée chiffon qui le rejoint.
Je suis tellement choqué que j’en oublie d’aboyer. Atterré, je m’aplati de toutes mes forces contre la porte en espérant disparaitre.
-on ne te veut pas de mal dit Sylvie de sa voix fluette.
-on veut juste te parler enchaîne Margot la petite vache mouchetée, descendue de son étagère.
Nounours, Sylvie et Margot s’avancent vers moi tout en me parlant. Je ne comprends plus rien. Je tremble de tout mon corps et hurle de peur. J’ai retrouvé ma voix mais je ne sais plus quoi faire. Je ne peux même pas fuir. Je suis coincé.
-arrête de hurler, dit nounours, personne ne t’entendra.
Cela ne me rassure pas du tout.
-viens plutôt t’assoir sur le tapis propose Sylvie.
Je frissonne de terreur mais obéissant, je rampe vers le tapis. Suis-je devenu fou ? Normalement, les jouets, ça ne parle pas et ça ne bouge pas.
– nous sommes jaloux braille Nounours. Depuis que tu es arrivé, il n’y en a que pour toi. Notre Lilas ne joue plus avec nous, elle ne nous regarde même plus.
-oui, c’est injuste reprend Sylvie, toi, tu la suis partout, et nous, on reste bloqués dans cette chambre.
-que voulez-vous que je fasse ? Ai-je bafouillé, je je n’y peux rien…
-si, justement riposte Margot d’une voix aigüe,
-mais si elle ne veut pas… ? ai-je insisté,
-tu dois te débrouiller pour qu’elle ait envie de jouer avec nous.
Je suis mort de peur. Suis-je vraiment en train de parler à des jouets ? Je suis si fatigué que je ne peux plus continuer cette conversation et je sombre dans un sommeil profond.
La douce voix de Lilas me réveille. Je vois son beau visage penché sur moi, mais quelque chose dans son regard me trouble.
Je me redresse et je comprends : la chambre est sens-dessus-dessous…son lit, complétement défait, ses livres, par terre, ses jouets dispersés et emmêlés, son petit bureau, renversé ; on aurait dit qu’une tornade avait saccagé son paradis.
Lilas me regarde d’un air accusateur. Mais je n’ai rien fait ! Ce n’est pas moi ! J’ai juste discuté avec ses jouets. Mais, que font Nounours et Sylvie sur mon ventre ? Je ne les ai même pas touchés.
Comment lui expliquer que ce sont ses jouets qui se sont révoltés ?
Ma petite maitresse est très stressée, je le vois bien, elle a les yeux brillants de larmes. Elle se dépêche pour tout remettre en ordre avant que sa maman n’arrive.
Assis sur mon train arrière, je ne peux que la regarder avec des yeux désolés.
Ouf ! La chambre est redevenue paradis.
Le bruit de la clef dans la serrure… C’est la maman qui rentre….
Je n’ai pas eu de chocolat aujourd’hui…et j’espère que ma petite maitresse retrouvera vite son sourire et que tout redeviendra comme avant. Avant, quand les jouets ne rebellaient pas.
A partir de maintenant, je les aurai à l’œil…