Jean-Claude, patron du marketing, a la cinquantaine bien tassée. Il est resté mince. Ses tempes grisonnent mais ce symbole de séduction masculine ne s’applique pas à sa personne.
Au premier regard, on décèle l’être timoré qu’il essaie de cacher. L’œil fuyant, Il parle la main devant la bouche comme s’il retenait ses mots. Il ne se déplace pas, il glisse sans bruit comme pour se fondre dans le décor et passer inaperçu. Assailli de tics nerveux, le degré de son stress se mesure à l’intensité de ses grimaces. Compassion obligée pour ses contorsions déformantes
Il a peur de tout. Prendre une décision le rend malade Pour se protéger, il ouvre une multitude de parapluies et se cache derrière une vaste gamme d’excuses. Dur pour un directeur marketing.
Le quotidien de Jean-Claude se déroule selon un rituel immuable, qu’il se plait à dévoiler. Levé tôt – il habite un pavillon dans la banlieue du Sud Est Parisien- il expédie son petit déjeuner pour se jeter dans sa voiture et éviter les bouchons. Son objectif est d’arriver le premier sur son lieu de travail, à Paris Centre.
L’angoisse est toujours à son paroxysme. Il vacille en permanence entre Urgence et Peur. Seul David, Directeur commercial de l’unité et son collègue arrive à l’apaiser et le soutenir.
Ce jour-là, Licia et Eva étaient arrivées très tôt pour peaufiner la présentation stratégique de la société, qu’elles devaient remettre au patron à la première heure. L’immeuble est silencieux. Elles sont satisfaites, elles ont presque terminé.
Elles entendent Jean-Claude arriver, lancer sa serviette sur son bureau et l’imaginent se précipiter vers les toilettes, au bout du couloir, car des petits bruits qui ne laissent aucun doute sur leur provenance désignent sa destination.
Elles échangent un petit sourire complice et le visualisent détendu lisant son journal, réfléchissant aux phénomènes de société en imaginant qu’aujourd’hui, c’était lui le patron et qu’il vivait son quart d’heure de gloire quotidien.
Alors qu’elles se lèvent peu après pour aller le saluer, elles l’aperçoivent se diriger vers son bureau.
Licia s’arrête net dans son élan et donne un coup de coude dans les côtes d’Eva :
– tu as vu ce morceau de papier blanc qui pend derrière lui ? C’est du papier toilette ?
Etouffant un éclat de rire, Licia rentre précipitamment dans son bureau pour se calmer. Impossible d’effacer la vision et d’arrêter les gloussements.
Elle entend la voix calme d’Eva, la miss frigo lui signaler placidement « je crois que vous avez oubliez de détacher le papier ».
-Il n’y a plus de papier dans l’imprimante ? lui demande JC d’un ton affolé en appliquant instinctivement sa main devant la bouche. J’ai besoin d’imprimer plein de documents ce matin…
-Mais non, le reprend posément Eva, je vous signale juste que vous embarquez derrière vous le papier toilette !
-Ah ! mince alors ! rouge de gêne, il tire d’un coup sec sur le papier flottant et s’engouffre dans son bureau en claquant la porte au nez d’une Eva un peu vexée.
Une nouvelle journée qui s’annonce plus difficile pour certains que pour d’autres… !!