Anastasia s’étire. Impression de légèreté. Un rai de lumière filtre timidement par la persienne entrebâillée, délayant gracieusement l’obscurité et la peuplant d’ombres incertaines. Les ombres se matérialisent peu à peu en sortant de leur cachette. Premières pensées, premières sensations. Le réveil est doux comme un rêve.
Elle peut distinguer le contour de la grange en face et les silhouettes des grands arbres qui la protègent. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle se sent rassurée et réconfortée.
Le silence est profond.
Elle se lève sans bruit et ouvre complètement les volets. La campagne se réveille à peine. A l’horizon les collines sont encore toutes enveloppées de brume.
Un oiseau, au lointain, chauffe sa voix. Trop tôt pour entamer le concert. Deux petits lièvres terminent une conversation animée avant de filer se cacher pour la journée.
Anastasia adore ces moments. Comme si, en se levant avec le jour, elle partageait son secret.
Et son secret aujourd’hui est plein de promesses excitantes et séduisantes. Elle a rendez-vous avec l’océan…
Elle sent son énergie bouillonner. Pas de temps à perdre !
Quelques tours de roues plus loin, la belle bleue est toute lisse et douce. Seul, le mouvement de son écume vient peu à peu grignoter un morceau de sable ; tranquillement, à son rythme. Une mouette crie son réveil.
Comme une belle qui se prépare pour l’opéra, la nature a sorti ses bijoux les plus somptueux : les saphirs, les émeraudes, les rubis et même Les diamants.
Doux ressac ; aucune âme sur la plage, Anastasia est seule.
Les yeux fermés, elle inspire la bouffée d’air iodé et se laisse caresser par la brise qui en profite pour lui embrouiller sournoisement les cheveux. Pas grave !
Ses pieds s’enfoncent avec délice dans le sable, saisis par l’écume qui s’amuse à les lécher.
Les sens comblés, elle s’abandonne totalement à la magie du moment, ce moment unique quand la nature se fait douce, consolante et réparatrice. Ce moment unique quand elle ose se dévoiler à l’heureux quidam. Moment de vérité.
Anastasia se sent connectée ; elle est au bon endroit, au bon moment.
Décidée à profiter de ce privilège, elle part à l’assaut du chemin côtier.
Cahoteux, pentu, coudé, il surprend parfois en proposant du plat moelleux. Les tableaux qu’il offre rivalisent de formes et de couleurs. Tout se transforme et se reforme sous ses yeux. Fascination et enchantement à chaque détour.
Le silence se meuble. Les mouettes se sont réveillées. Autour d’Anastasia, des papillons de toutes couleurs se confondent avec les petites fleurs bleues et jaunes… et le lézard qui traverse le chemin tranquillement, juste devant ses pieds, vit sa vie sans peur aucune. Confiance et harmonie.
Le rose bruyère sublime le bleu azur. Le ciel reste penché sur le miroir mouvant n’en finissant plus de se contempler. Des taches blanches glissent à l’horizon vers d’autres destins.
Anastasia respire. L’odeur des pins se mélange maintenant à celui de l’iode. Encore un autre voyage… Ressourçant, exotique, stimulant.
Le spectacle est grandiose ; elle s’en imprègne. Spectatrice et actrice à la fois, elle savoure le privilège d’avoir surpris la nature dans sa beauté presque surnaturelle. Tout son être en reçoit avec gratitude des éclaboussures de bonheur.
Ces formes, ces couleurs, ces senteurs, ces sensations, resteront gravées à jamais dans sa mémoire, comme une arabesque aux lignes parfaites alliant l’animal, le végétal et le minéral sur un fond de jardin luxuriant et paradisiaque.
Un secret partagé avec le jour, dès sa naissance, ce matin.