Laiderona

Ghis écrit, Graines de rêves

Laiderona

Il était une fois une vilaine petite sorcière qui s’appelait Laiderona.
Rejetée de toute sa famille pour des raisons mystérieuses, elle se sentait si laide qu’elle ne supportait pas la vue des autres petites filles. Cela la mettait en rage.

Elle avait décidé que, pour se venger de leur beauté, elle choisirait chaque soir une petite fille pour lui taillader les cheveux.

À la nuit tombante, munie de ses longs ciseaux, elle se faufilait au chevet de sa proie endormie et lui coupait sauvagement les cheveux, pour la rendre la plus laide possible.

Ses petites victimes ne se réveillaient jamais. Parfois, elles s’agitaient dans leur sommeil, mais restaient plongées dans leurs songes.

Silencieuse et efficace, Laiderona ramassait les mèches et les boucles éparpillées au sol, puis les enfouissait dans sa besace. Fière de son butin et de son œuvre, elle se tapissait sous le lit pour attendre le réveil de sa victime et savourer sa vengeance.

Au matin, lorsque la petite fille découvrait son reflet et poussait un cri d’horreur, Laiderona jubilait, puis disparaissait aussi mystérieusement qu’elle était entrée.

Mais une nuit, alors qu’elle s’apprêtait à couper les longs cheveux blonds d’une jolie petite fille, celle-ci s’assit brusquement sur son lit.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

Laiderona sursauta, surprise, et n’eut pas le temps de s’évanouir dans l’ombre.

— Je… je… personne, bégaya-t-elle.

— Si, vous êtes quelqu’un, puisque je vous vois, et que je ne dors pas, insista la petite fille, qui s’appelait Claire.

Laiderona s’affola. C’était la première fois qu’on la surprenait en flagrant délit.
Piégée, car elle ne pouvait disparaître devant témoin, elle finit par s’asseoir sur le bord du lit et attendre.

— Que faites-vous avec des ciseaux ? demanda Claire.

Laiderona resta muette.

— Avez-vous perdu votre langue ? continua Claire, qui était une petite fille éveillée et sans peur.

Laiderona soupira et décida d’avouer.

— Je coupe les cheveux.

— Vous alliez me couper les cheveux ?

— Oui.

— Mais pourquoi ? Je ne vous connais même pas ! s’indigna Claire.

Laiderona hésita.

— Parce que vous êtes très belle… et que moi, je suis laide.

— Je ne vois pas le rapport, rétorqua Claire, outrée.

Laiderona se figea, tête baissée.

— Et comment vous appelez-vous ? demanda encore Claire, plus curieuse qu’effrayée.

— Laiderona.

— C’est un prénom affreux ! Vous devriez en changer ! s’écria Claire.

— Je sais… mais c’est le mien, murmura Laiderona. Je suis un laideron.

— Votre histoire est étrange, remarqua Claire. Moi, je vois surtout une drôle de créature armée de grands ciseaux… et je ne comprends toujours pas pourquoi vous coupez les cheveux des gens.

Laiderona resta silencieuse.
Elle laissa glisser ses ciseaux au sol. Toute envie de vengeance l’avait quittée.
Et c’était vrai : pourquoi faisait-elle cela ? Les petites filles retrouveraient leur beauté, et elle, resterait laide et seule, semant la peur dans les chambres.

— J’ai une idée ! s’exclama soudain Claire.
Cherchons un nouveau prénom, car celui-là, vraiment, vous ne pouvez pas le garder. Il écorche les oreilles !
Qu’est-ce qui vous plairait ?

Laiderona sentit un soupçon d’espoir percer sa carapace.

— Je ne sais pas… répondit-elle doucement.

— Et pourquoi pas Céleste ? proposa Claire.
En changeant de prénom, vous pourriez changer de vie… et surtout arrêter de couper les cheveux !

Laiderona en fut bouleversée.
Cette petite fille avait raison. Il fallait que cesse ce carnage et que toutes les petites filles dorment en paix.

— Céleste, Céleste… répéta-t-elle en savourant la douceur du mot. Merci.

— Cela vous va très bien, confirma Claire.
Et maintenant, plus de coupe de cheveux, d’accord ?
À la place, vous ferez quoi ?

Laiderona — ou plutôt Céleste — resta songeuse, puis déclara :

— Je veillerai au bon sommeil des petites filles. Je leur fredonnerai une mélodie secrète et déposerai une fleur en hommage à leur beauté.

— Excellente idée ! s’écria Claire en baillant.
Vous pourriez me chanter un petit air, pour voir si vous êtes prête à exercer vos nouvelles fonctions ?

Céleste sourit et fredonna une mélodie si douce que Claire, à peine la tête posée sur l’oreiller, s’endormit le sourire aux lèvres.

Alors Céleste disparut dans un nuage poudré.
Sur le chevet, une marguerite blanche luisait doucement dans la lumière du matin.

Une nouvelle petite fée était née. 🌸

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