« L’exorciste »

Autour de la machine à café

« L’exorciste »

Wendy est américaine. Responsable marketing de la filiale de notre société à Pittsburgh, elle avait choisi de s’expatrier en France pour donner un coup de pouce à sa carrière. Depuis deux ans maintenant, notre éminente équipe « parisienne », la compte parmi ses membres actifs et non des moindres !

Perfectionniste de nature, son accent et ses lacunes persistantes en français la désespèrent au plus haut point. Pour elle, l’imperfection est impardonnable.  

Mais, peut-être ceci explique-t-il cela ?

C’est une miss catastrophe, style grande blonde à la chaussure noire sauf qu’elle est petite et brune.

Un condensé de malchances s’abat régulièrement sur sa petite personne la forçant à lutter continuellement contre le monde entier.

Et pourtant ! adorable, généreuse, drôle, elle avoue chacune de ses infortunes avec tant d’humour et d’ingénuité que toute l’équipe est sans cesse partagée entre amusement et compassion.

Elle ponctue du même étonnement désespéré certaines de ses phrases :« Pourquoi le messieure est si méchante avec moi ? (Elle prononce toujours toutes les lettres du mot faisant magistralement fi notre savoir-faire pédagogique. Un canard devient un canarde et reste un canarde, etc…).

Nous fondions littéralement.

Alors qu’elle attend (impatiemment) son taxi sur un bout de trottoir, un automobiliste lui demande son tarif… ! indignée, elle lui balance à la tête le sandwich qu’elle grignote.

Dans sa chambre, à l’hôtel, privée d’eau chaude et de sèche-cheveux, elle courre comme une hystérique à la réception, aboyant son mécontentement dans un dialecte incompréhensible aux tenanciers, qui la dévisagent stupéfaits en se demandant pourquoi cette cliente agite-t-elle sa tête mouillée avec tant de véhémence ?!

A l’aéroport, à l’annonce de son vol et en pleine répétition mentale de la présentation qu’elle doit effectuer devant un auditoire à convaincre, elle s’assomme en se jetant violemment contre une baie vitrée.

Le nez sanguinolent et bientôt gros comme une patate, elle hurle de porter plainte contre la direction de l’aéroport mais doit se précipiter car son avion ne l’attendra pas.

Lors d’un aller-retour en salle de réunion, elle apparait devant les yeux médusés des participants, la jupe coincée dans l’élastique de son slip (heureusement ce jour-là, elle avait opté pour la culotte grand bateau et non le string affolant) !

Avec du recul, elle rit de bon cœur de ses mini catastrophes. Elle estime quand même que sa petite personne fait l’objet de persécutions répétées et qu’un mauvais sort lui a été jeté !

Ce matin-là au « bar », quand le petit « noir » réveille les plus endormis, Marci, reste étrangement silencieuse.  Son mutisme et sa mine abattue inquiètent. Questionnée sur son état d’âme, elle hésite à répondre, puis avoue :

– je suis découragée et humiliée…. Je crois que le temps est venu de faire quelques changements…

L’équipe est en alerte. Que lui est-il encore arrivé ?

– c’est une longue histoire inintéressante répond-elle

– On a tout notre temps (ou presque !) car rien n’est jamais anodin avec Wendy…

L’attention est totale.

Elle soupire et raconte :

–  J’ai vu que Jane Fonda avait mis au point un programme d’exercices de musculation à faire à la maison. Il parait que c’est génial et que les résultats sont très vite visibles.

Comme je deviens flasque, regarde comme ça pend ! Et elle saisit un morceau de chair sous le bras,

– On appelle ça des bras « chauve-souris » lui explique Licia, l’interrompant, mais je te rassure, c’est pour tout le monde pareil !

Wendy hausse les épaules.

– Pour moi, hors de question d’accepter ce relâchement ! J’ai donc décidé d’acheter sa cassette pour travailler à la maison et retrouver mon corps musclé.

Très attentive à sa condition physique et à son bien-être, elle déplore ne plus être en mesure d’aller quotidiennement en salle de sport dès 6h00 le matin, comme elle le faisait aux USA, par manque de salle tout simplement et de temps.

Elle reprend :

– Hier, je suis donc allée chez Virgin sur les Champs Elysées et j’ai demandé la cassette au Monsieure …. Et vous savez ce qu’il m’a donné ?

– La cassette ?

– Non. …Celle de l’Exorciste !!C’est dramatique ! ?

Forte envie de rire, vite réprimée devant sa petite mine chiffonnée.

– La honte de ma vie ! continue Wendy.

J’ai regardé le Monsieure bouche bée et je me suis sauvée…

Elle reste songeuse un court instant – vision de sa fuite éperdue peut-être ? – puis, elle reprend :

-D’ailleurs, ma vie n’est qu’une longue succession de malentendus et d’humiliations.

Le sort s’acharne vraiment contre moi, et je me demande si ce n’est pas un signe pour que je rentre aux USA …

Choc. L’affaire est beaucoup plus grave que nous le pensions.

Helen intervient :

-il était probablement sourd comme un pot ton vendeur et je suis certaine qu’il ne comprend rien au français de Pittsburgh. C’est comme le français de Brest ou de Marseille, pour moi perso, c’est du charabia, je ne comprends rien…

L’œil sombre de Wendy reprend quelques éclats, les prémices d’un sourire se dessinent sur ses lèvres… bientôt sa mésaventure la fera rire à gorge déployée…comme d’habitude !

Wendy est notre mascotte. On avait juste oublié de voir que derrière cette aventurière grincheuse et comique malgré elle, se cachait un être vulnérable. A bons entendeurs : actions ! !

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