Elles ne font pas la paire

Autour de la machine à café

Elles ne font pas la paire

– Helen, pourriez-vous me rendre un service, s’il vous plait ?

Helen sursaute au son d’une voix qu’elle ne pensait pas entendre avant une semaine au moins …et lève la tête pour découvrir son patron, en tenue décontractée et encombré d’un carton.

-Mais, que faites-vous là ?  Lui demande-t-elle, prise de court. Impossible de lui grimacer un sourire tant la surprise est loin d’être bonne !

Il était censé être en congés depuis la veille et elle s’était concoctée un emploi du temps de rêve pour activer son réseau social et s’occuper de ses affaires personnelles, le tout sur un rythme estivalier….

William marmonne :
-un petit contretemps… c’est pour ça que j’ai besoin de vous…je suis un peu serré.

quoi encore ?! se demande-elle avec appréhension,
-posez donc ce paquet sur mon bureau lui conseille-t-elle, agacée de le voir se dandiner.

Le bobo du mollet s’était résorbé et n’était plus qu’un vilain souvenir.

– Vous avez mal où ? S’inquiète-t-elle, craignant devoir retourner à la pharmacie

– Nulle part !  lui répond William en laissant tomber la boite sur le coin de son bureau.

– Voilà, continue-t-il, j’ai acheté des chaussures pour les vacances et « ils » sont trop petits…

Helen fixe les pieds de William. Toujours aussi disproportionnés !
Comment a-t-il pu se débrouiller pour s’acheter des chaussures trop petites ? Commandées sur catalogue ? …se demande-elle, ça m’étonnerait ce n’est pas son style…

Helen souffle en se demandant quel pouvait bien être le point commun entre elle et les nouvelles chaussures de son patron ? Opacité du mystère !

Son esprit s’envole un instant vers la mer, le soleil…mais redescend brutalement sur l’association William et vacances…

Flash-back sur l’image du vacancier.
– « là, c’est moi » lui disait-il à chaque retour, très fier, en pointant le gringalet à la mine de homard (normal, avec sa peau blanche d’anglais qui ne bronze jamais) noyé dans un short XL, d’où sortaient deux cannes de coucou bien blanches, le tout soutenu par deux grandes barges » …

Le silence s’éternise. Helen redoute la suite… qui ne tarde pas à venir.

– auriez-vous la gentillesse de les rapporter au magasin et de prendre la taille au-dessus ? lâche William, un peu mal à l’aise

– ça y est, nous y sommes ! Bravo pour le coup de flegme se dit Helen mais elle répond :

– bien sûr, William, mais il serait peut-être plus judicieux que vous y retourniez vous-même car je ne peux pas les essayer à votre place !

– Ce n’est pas nécessaire. Prenez juste la taille au-dessus la rassure-t-il.

Pas d’échappatoire. Corvée confirmée. William a déjà disparu.

A la boutique, Helen tend la boite à la vendeuse en demandant la taille supérieure.

La vendeuse déballe le carton, en sort une espadrille rayée bleu marine, et un mocassin beige visiblement plus grand.
Bouche bée, Helen reste scotchée.

La vendeuse la fixe d’un regard sidéré tentant d’évaluer le degré de dérangement de sa cliente.

-je ne comprends pas bredouille Helen, confondue

-Vous ne connaissiez pas le contenu de la boite ? lui demande la vendeuse d’un air dubitatif.

Helen prend le parti d’essayer d’expliquer
-non, j’ai eu le tort de ne pas vérifier…

Haussement de sourcils de la vendeuse.

– mon patron m’a confié ce paquet pour un échange de taille, poursuit Helen

– votre patron semble avoir une difformité notoire et un goût original !

Petit ton sarcastique.

Helen est confuse. Quelques regards curieux ont capté l’échange.
-Il a dû mélanger les boites, en déduit-elle, je ne vois que cela. Je suis désolée.

La vendeuse ne l’écoute pas.
-je ne peux rien faire pour vous réplique-t-elle sèchement.

Elle remballe l’espadrille et le mocassin et sans autre commentaire, lui tend le carton en haussant les épaules. Encore une dingue.

Très gênée, Helen n’a plus qu’à quitter la boutique, l’objet du délit sous le bras.

Elle fulmine. Ce William ! Qui pourrait inventer le quart de ses bêtises ?! Absolument personne !! Ce spécimen est unique au monde.… Et pourquoi en ai-je hérité, moi ? quel karma de M… !

Comme une furie, elle fait irruption dans son bureau. Il est nonchalamment accoudé à son fauteuil, arborant un sourire niais.
Sans un mot, elle ouvre le carton, sort l’espadrille, puis le mocassin.
-vous pourriez m’expliquer ? Un canulard de vacancier ?… Parce que si vous, vous êtes en congé, moi, je travaille !!

Le ton est cinglant. Helen est encore toute rouge de colère.

William n’a pas l’habitude. Il la dévisage presque apeuré, puis son regard fait plusieurs aller-retour entre l’espadrille et le mocassin… soudain, une lumière éclaire son œil alarmé !

-c’est mon fils Mark !!

En plus, il accuse son fils. Quel lâche ! se dit Helen de plus en plus dégoutée.

-So sorry (vraiment désolé) ; Mark, devait remettre les chaussures dans les boites. Il a les espadrilles qui sont à bonne taille… et moi, les mocassins sont trop petits…

Marées d’excuses acceptées … colère retombée … …et le tandem réparé peut se relever pour pédaler à nouveau à grande vitesse vers d’autres péripéties, à n’en pas douter.

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