Sunny est très inquiet. Cela fait presque trois jours qu’il cherche Zéphyrin. Il a beau envoyer ses rayons fouiller le moindre taillis, sonder la moindre bosse, balayer chaque arbre de sa racine à son sommet, en vain. Aucun signe de Zéphyrin. Comme s’il avait complètement disparu de la surface de la terre. La nouvelle se répand au rythme d’un tamtam magique « Zéphyrin a disparu » « Zéphyrin a disparu ». Son absence devient alors l’affaire de tous.
Le ciel se plisse d’incertitude. Les familles Cumulus et Stratus virent doucement de blanc au gris souci.
Monsieur le Merle, alerté par la rumeur et très digne dans son costume noir, décide de rencontrer Sunny pour lui faire son rapport. Il finit par le trouver dans un coin reculé du ciel, derrière un gros cumulus.
-Bonjour Sunny, je vois que tes rayons perdent leur éclat mais garde espoir. Si cela peut te rassurer, je voulais te dire que nous avions vu Zéphyrin hier matin. Il n’était pas tout à fait dans son état normal.
Sunny est suspendu à ses paroles
– Mais comment était-il ? s’inquiète-t-il
Avant que Monsieur le merle ne puisse ouvrir le bec pour répondre, un bruissement de plumes perturbe le dialogue. Elles se froissent dans un brouhaha désordonné. Noires, blanches, mouchetées, argentées, elles entourent de très près leur leader. Ces plumes appartiennent à ses fidèles compagnons ; on reconnait Monsieur le corbeau, messieurs les rossignols, et mesdemoiselles les pies et les mésanges. Ils sont tous là en signe de solidarité.
A tour de rôle les volatiles racontent l’interruption fracassante de Zéphyrin pendant leur cérémonie d’adieux.
-Il n’était vraiment pas sympathique insiste une des mésanges. Il nous a brusquement dépeignées en soufflant si fort qu’on en tremblait de froid.
Sunny est très surpris.
-Je ne reconnais pas Zéphyrin répond-il. Mon ami est toujours très gentil et très doux.
-Oui, c’est un mystère confirme Monsieur le Merle. Il était comme métamorphosé en une créature étrange qui ne nous reconnaissait plus.
Un silence embarrassé enveloppe la petite assemblée.
-peut-être n’ose-t-il pas sortir de sa cachette tant il a honte suggère Monsieur le rossignol toujours prêt à élucider les choses les plus étranges, ou bien s’est-il s’est perdu dans le fond de l’atmosphère…
-cela pourrait être une explication intervient Monsieur le corbeau resté silencieux.
-Il faudrait le retrouver rapidement reprend Sunny, il est peut-être en danger…
-Nous pourrions chanter suggèrent Mesdemoiselles les mésanges. Hier il nous a dit qu’il aimait notre voix.
-Pourquoi pas ! approuve Monsieur le Merle. C’est une excellente idée. On pourrait jouer une mélodie qui s’entendrait aux quatre coins du ciel.
Aussitôt, les mésanges, les rossignols, les pies et les pinsons, entreprennent des vocalises pour chauffer leur voix, puis, au signal de Monsieur le Merle, un concert cristallin s’élève et ravit l’ouïe. La mélodie est douce, légère et gaie.
Sunny, complètement sous le charme, oublie un instant sa tristesse et se laisse bercer par la ritournelle.
Soudain, un bruissement de feuilles donne l’alerte. Et si c’était Zéphyrin ? Silence.
-C’est toi ? crie Sunny plein d’espoir en fixant les arbustes. Montre-toi vite !
Dans un tourbillon d’air frais, Zéphyrin apparait devant les yeux médusés de ses amis. Les oiseaux, le bec ouvert en oublient même de chanter ! Les Stratus et Cumulus blanchissent de plaisir et le ciel se déplisse pour laisser place à son bleu intense.
Une cacophonie extraordinaire éclate dans l’espace. Chacun exprime sa joie à sa façon, les oiseaux piaillent de plus en plus fort, les Stratus et Cumulus caracolent et se trémoussent en une ronde inédite et même Sunny claque ses rayons de plaisir sans pouvoir s’arrêter.
Reprenant ses esprits, il s’adresse à Zéphyrin
-Ou étais tu passé ? On pensait t’avoir perdu à tout jamais.
Zéphyrin, tout penaud et gêné par l’accueil chaleureux et tonitruant de ses amis, explique d’une petite voix :
– j’étais submergé de honte d’avoir maltraité nos amis les oiseaux et je ne pensais pas pouvoir me montrer à nouveau. Puis un sommeil de plomb m’a assommé et c’est cette douce mélodie qui vient à l’instant de me réveiller. J’ai l’impression d’avoir dormi un siècle !
-Bienvenue parmi nous répond Sunny. Tu nous as fait peur. Mais qu’as-tu donc fait pour être si honteux ?
D’une voix contrite, Zéphyrin raconte :
– Tu sais que je n’arrive plus à dormir depuis très longtemps et quand le sommeil me prend, je fais des rêves bizarres. Hier matin, dans mon cauchemar je me débattais contre des créatures étranges et bruyantes. J’ai été odieux avec nos amis les oiseaux et j’en suis tellement désolé…
-Ne t’inquiète pas répond Monsieur le merle, nous t’avons pardonné depuis longtemps et nous avions hâte de te revoir parmi nous.
Le retour inespéré de Zéphyrin étant l’affaire de tous, l’univers se détend et se remplit à nouveau de quiétude et de joie.
Sunny entoure chaleureusement Zéphyrin de ses rayons, tout heureux d’avoir retrouvé son ami.
-demain, on joue, lui propose-t-il, promets-moi de ne plus jamais disparaitre ?
-C’est promis mon ami lui répond Zéphyrin…, A demain !
Le rire des deux amis retentit dans l’immensité frissonnante du plaisir retrouvé.