25 avril 2020 – Babette s’organise

Babette de Covid

25 avril 2020 – Babette s’organise

Etourdie. Fatiguée. Epuisée. Babette n’en peut plus. C’est bien de faire la résistance mais fêter la libération, serait tellement mieux. Grand remue-ménage là-haut, dans la cafetière. Ça bout ! Elle réfléchit trop.  Sa tête ? un chantier ! Trop de sujets.

Onze Mai ? … Mais, c’est tout à l’heure ! Frissons d’excitation ; Enfin le sésame vers la liberté après un siège infernal.

La liberté ! quel mot merveilleux. Je n’attends qu’elle pour me redresser et reprendre mon équilibre, se répète Babette. Cette liberté qu’on daigne enfin me redonner.… Je la pensais être mienne à jamais sans douter un seul instant qu’on puisse la rogner ou la supprimer se répète-t-elle, eh bien, on a osé l’amputer sans même demander mon avis.

La plaie n’est pas cicatrisée et Babette a toujours mal. Rien de pire que d’être privée de liberté. La perspective de la retrouver bientôt est si fabuleuse qu’elle en frémit d’appréhension et de stress. Des questions l’obsèdent. L’a-t-on au moins bien traitée, ma liberté ? Dans quel état vais-je la récupérer ? aussi belle qu’avant ? ou, abimée ? réformée ? Sera-t-elle provisoire ? Conditionnelle ? Sensation cuisante de perte de contrôle.

Contrôle, gendarme, prison, Babette joue soudain les associations d’idées !  Après tout, c’est le même fil conducteur !

Se faire contrôler, se faire arrêter. Tous les feux clignotent rouge dès qu’il s’agit de côtoyer les forces de l’ordre ; en cherchant bien, on a toujours quelque chose à se reprocher ou à cacher, à commencer par cette satanée autorisation oubliée, falsifiée, perdue….

Dès que Babette met le pied dehors pour sa sortie réglementaire, tous ses sens sont en alerte ; elle est persuadée afficher « coupable » en grosses lettres fluo sur son front ! Quand une voiture de police croise son chemin et ralentit, les battements de son cœur eux, s’accélèrent, pendant que son pas se fait incertain. Elle s’attarde alors le plus naturellement possible derrière un tronc d’arbre pour guetter la direction prise et filer à l’opposé pour échapper à leur attention.

Dorénavant, c’est un croisement de MacGyver et d’inspecteur Barnaby qui prend l’air pendant l’heure autorisée. Elle flaire le danger mais sait le déjouer. La voiture de police disparait, petit coup d’œil circulaire pour assurer ses arrières, et on s’engouffre (MacGyver, Barnaby et Babette) dans cette jolie allée perpendiculaire qui leur fait signe de venir se cacher !
Inspiration profonde. Les poumons en extension, elle sniffe sans retenue les parfums enivrants et réconfortants des haies de lilas et de jasmins, !! Il s’en est fallu de peu ! Quelle équipée cette sortie !…

J’ai l’esprit tordu ou c’est un début de paranoïa ?! Il ne manquerait plus que ça ! Babette lâche un instant son aventure téméraire pour retourner aux questions qui la taraudent.

Redistribution de la liberté. Comment ? L’enjeu est capital. Marre de vivre entre parenthèse. D’ailleurs, est-ce vivre que d’attendre en cachette et dans la peur ? Quel gâchis cette perte de temps ! je n’ai pas que cela à faire, moi ! se fâche-t-elle.

Pour tromper le temps, elle tente de se projeter tant bien que mal dans ce moment (sublimement prometteur) que sera la libération.

D’abord, oser sortir de son trou, précautionneusement en scrutant, en épiant. On a pris d’autres habitudes, pas toutes très sympas.

Côté glamour, ça va être dur d’assurer ! Désolée Grand-mère, mais ton artillerie n’était pas suffisamment lourde. Les cheveux hirsutes ; l’œil bovin faute de mascara ; le visage inexpressif et blafard piqueté de petits parasites noirs, la silhouette indéfinissable car désertée de muscle et le tout, enveloppé de fringues fanées pour un look d’as de pique. Super le tableau ! très séduisant !!

Cerveau en compote. Espérons que les effets collatéraux du confinement ne seront pas irréversibles. Donc, cape avec capuche obligatoire et lunettes noires. Pour la première grande sortie, on se la jouera star incognito.

Sur la liste, la première destination salutaire, c’est le salon de coiffure ! après, peut-être la salle de sport. Mais tout doux, chaque chose en son temps ! Côté perso, ça va être dur aussi d’assumer. Allons-nous nous reconnaitre les uns des autres ?! Oserons-nous nous avouer nos désastreuses impressions réciproques au risque de fâcher nos égos ?!

La question vaut la peine d’être posée.

Onze Mai ? Une nouvelle fête nationale ? Une journée « Victoire », avec tapage, bouchons qui pètent, klaxons et embrassades ?

Babette soupir. Bizarre…je ne le sens pas ! Elle ne sait plus. Elle sait juste que plus rien ne sera comme « avant » ; Qu’elle ne sera jamais plus « comme avant » et que, pire, elle ne sait pas encore qui elle sera ! Quelle angoisse !… Ou quel bonheur… devenir quelqu’un d’autre !

Pour l’instant, attendre. Encore et toujours. Apprendre à discerner le vrai du faux : un exercice de haute voltige, ça c’est sûr !

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