Claustrophobe et Hypocondriaque (Clausto et Hypo pour les intimes) sont les deux filles de Babette. Elles ne se ressemblent pas. Elles ne s’entendent pas vraiment. Elles sont même un peu jalouses l’une de l’autre.

Elles peuvent rester silencieuses pendant très longtemps et se manifester sans crier gare, soit l’une après l’autre, ou ensemble, et alors, la fusion de leurs cerveaux est en mesure de créer des illusions pharaoniques qui piègent dramatiquement leur Babette. !

Claustro va mal. Babette le sent. Sa mine pâle, sa respiration saccadée, son silence n’augurent rien de bon pour la suite.

Elle la prend donc sous son aile pour lui montrer qu’il y a toujours de l’air, qu’elle peut respirer sans s’étouffer et que l’horizon est juste légèrement et provisoirement restreint. Claustro se détend un peu. Elle dramatise moins. Trouve que l’air devient respirable, après tout.

Le soleil qui montre le bout du nez, lui élargit un peu plus l’espace et avec Babette qui lui parle espoir et vacances, ses respirations se font plus amples.

Ça va mieux.

Babette décide de la canaliser sur l’épanouissement de son corps pour lui faire oublier l’étroitesse de leur lieu de vie et lui concocte une série de mouvements de musculation. Claustro, intéressée et motivée, se prête avec sérieux à ces nouveaux exercices qu’elle pratique avec entrain deux fois par jour.
Peut-être l’ai-je guérie ? se réjouit Babette

Son attention se tourne sur Hypo. En tout cas, se dit-elle, elle va franchement bien.  Calme, posée, obéissante, une vraie petite fille modèle. Elle n’a pas l’air de subir la psychose de l’actualité.  Je suis fière d’elle. Elle est prête à quitter le nid et voler de ses propres ailes.

Hypo est silencieuse. Cette histoire de virus l’angoisse mais elle n’en fait rien paraitre.
Elle se tâte. Rien. Elle se tâte à nouveau. Toujours rien. Elle observe Claustro. Qu’elle comédienne ! se dit-elle ! faire semblant de ne pas pouvoir respirer ! on aura tout vu ! Madame la star !

Elle a gagné, bien sûr : on s’occupe d’elle, c’est bien ce qu’elle voulait. Et la Babette qui la croit ! Elle lui ferait prendre des vessies pour des lanternes !

Mais moi, je ne suis pas dupe…On ne me la fait pas…Elle va vite se lasser et lâcher son rôle pour en jouer un autre, ça c’est sûr. Elle a la comédie dans le sang ! Hypo se tâte à nouveau. Toujours rien. Après délibération, elle se propose de prendre un petit cachet. Après tout… mieux vaut prévenir.

Mais qu’est-ce que j’ai ? C’est quoi cette marque rouge sur mon bras ? Et, ces douleurs qui me traversent le corps quand je respire ? Hypo se tord dans tous les sens mais la douleur persiste, s’intensifie. Mais c’est quoi ! J’ai maaaal ! Je ne peux plus remuer mon genou ni mon coude…et ça gonfle…JE gonfle !!
C’est sûr, ce sont LES symptômes.

A l’aide !! au secours !!

Babette se réveille en sursaut : la cacophonie est assourdissante et sa vision trouble : ses deux filles sont au pied du lit, rouges, fiévreuses, gesticulant et vociférant en même temps.

Le barouf est absolument assourdissant.

Claustro a les mains sur sa poitrine et à grands mouvements de torse, siffle en suppliant l’air de rentrer. Hypo hurle : j’ai trop mal ! il faut un médecin, vite, c’est urgent…c’est une question de vie ou de mort. Je suis en train de mourir…

Babette ferme les yeux pour ne plus les voir et se bouche les oreilles Mais leurs cris stridents lui percutent le cerveau. Elle devient comateuse. Ses mains tremblent. Vite, debout. Le téléphone.

Le numéro ? ou est-il ? Recherche fébrile. Sa voix paniquée et chevrotante trouve difficilement ses mots. Le souffle est court Rendez-vous immédiat. Elle y courre.
Fausse alerte ! tout va bien ! C’est le stress Madame…et quelques courbatures…Reposez-vous et pensez à autre chose.

Soulagement intense. La vie est si belle ! Et mes pauvres chéries ?! Je n’ai rien vu …Elles ont dû tant souffrir se reproche Babette. Je dois les écouter davantage, les rassurer et calmer leurs maux pour qu’après cette épreuve inédite et inconcevable, elles puissent prendre leur essor et s’épanouir dans leur vie…Je m’y attèle en arrivant., décide-t-elle

Babette soupir de soulagement ; elle se sent si légère ! ses pieds esquissent malgré elle la danse de la victoire sur le trottoir du retour…tant pis pour ceux qui ne comprennent rien ! Tout va bien… et c’est le principal. On va fêter cette bonne nouvelle toutes les trois !

Clausto et Hypo se sont unies dans le confinement. Main dans la main, elles se stimulent et leurs essences s’exacerbent. Mais Babette, confiante et forte maintenant, sait qu’elle peut déjouer leurs manigances et les contenir.