Anastasia s’est enfuie. Elle est partie se réfugier à la campagne. L’idée est de retrouver la normalité dans sa vie. Solitude pour solitude, au moins là, il n’y a pas d’ambiguïté. Le silence en est l’essence.
La vieille demeure à la façade burinée par l’assaut des tempêtes récurrentes et patinée par le poids des ans, se dresse humble et fière, prête à l’accueillir.
La journée s’achève et déjà l’obscurité enveloppe les bâtiments et les arbres. Silencieusement, Anastasia se glisse avec plaisir dans la vieille maison. Malgré l’odeur d’humidité et la sensation de froid qui l’assaillent, elle se détend et se laisse submerger par un sentiment de bien-être et de sécurité. Elle est enfin chez elle. Ici, rien ne peut l’atteindre. Elle est à sa place.
Le froid humide intense l’oblige toutefois à sortir de sa rêverie pour préparer son installation.
Les bûches, bien entassées, sont à disposition dans la remise. Anastasia les jette dans la vieille brouette et s’active autour de la cheminée. Déjà le feu crépite et les murs se réchauffent doucement transformant l’atmosphère en cocon douillet. La magie opère. La soirée est douce et réconfortante.
Dès son réveil, le lendemain, Anastasia reçoit une avalanche de cadeaux ! La campagne qui s’était profondément endormie ces derniers mois, lui propose le jaune éclatant et tout neuf de ses parterres de jonquilles ; sur la terrasse, une rose, seule et unique, incongrue presque, se détache des arbustes encore décharnés comme un petit clin d’œil d’espoir sur un futur tout proche. Sur les arbustes, des bourgeons ont éclos…
Anastasia est rassérénée. Rien n’a changé mais ses tourments s’estompent comme appartenant à une autre vie. Peut-être une inversion des valeurs et des priorités ?
Le cycle de la nature sous doute. Immuable tout en n’étant jamais permanent. L’éternel recommencement a quelque chose de rassurant.
La nature lui dévoile sa force. Son secret c’est la métamorphose. Quand elle ose supprimer ses couleurs, ses feuillages et la chaleur des rayons de soleil pour recouvrir son royaume de gris, de blanc et de froid, c’est elle ; c’est encore elle quand elle décide un jour, de renaitre en proposant des tons éclatants, des végétations pétillantes de sève et qu’à nouveau le soleil se fait chaud et doux. Belle au bois dormant un jour sans fin et vivante et épanouie un lendemain sans fin !
Anastasia l’a compris et reprend confiance.
Alors qu’elle chemine vers le village, profitant de la clémence matinale, elle surprend une biche traverser la route juste devant elle ! gracieux et élancé, l’animal ne lui prête aucune attention et passe tranquillement dans le champ d’à côté. Anastasia est subjuguée par l’apparition inattendue. Un instant de ravissement et de réconciliation.
La journée commence sous de beaux augures se dit-elle en se félicitant de sa fugue. Gagner du temps dans un lieu où le temps s’est arrêté depuis longtemps.