Le cœur saigne et la tête souffre.
Anastasia avait peu à peu édifié les nouveaux contours de sa vie ; et elle était plutôt satisfaite de son œuvre. Plus de contrainte horaire, plus de sautes d’humeur intempestive à supporter, seul le soutien bienveillant et indéfectible de ses collègues lui manquait encore… Mais la liberté était devenue géniale. Des plages entières ! Des journées qui se dessinent au grès de ses inspirations et de la couleur du temps ! Elle avait opté pour un apprentissage permanent de la liberté.
Et puis … le tsunami Covid a frappé. Anastasia assiste alors impuissante, à l’effondrement systématique de chacune des pierres son bel édifice tout neuf et pimpant, qui lui avait redonné un équilibre harmonieux et une raison de vivre autrement.
Isolement forcé, solitude contrainte. Abandon (de tout). Trop tard pour s’épancher auprès de ses ex- collègues, et trop tôt pour se rapprocher des nouvelles relations.
Le cœur saigne et la tête souffre. Et la tête ne peut soigner le cœur car elle guette les étincelles d’espoir pour calmer sa souffrance. Et le cœur est trop faible pour l’aider car ses sources de joie se sont taries d’un seul coup.
Un tandem meurtri dont les plaies peinent à cicatriser.
Anastasia est désemparée. Elle ne peut que contempler avec effroi son nouvel univers, impersonnel et démuni d’interactions. Elle réalise que sa peur viscérale de se lever un jour et n’avoir pour horizon qu’une journée sans raison, s’est matérialisée.
Tombée dans un piège, cloitrée dans la cellule d’une retraite sans prière, Anastasia ne peut stopper les images sombres et sinistres d’elle prisonnière, vaincue d’un ennemi invisible.
Et l’écho ? celui des rires, des plaisanteries, des mots doux ? Disparu lui aussi au profit d’un silence étourdissant qui s’impose comme un nouveau vacarme.
Comment supprimer les images et remettre le son ?
Anastasia concentre son attention sur ses marges de manœuvre. Elles sont bien faibles !
Accepter et attendre…et faire semblant …pour mieux rebondir …