William est anglais. Bien qu’en France depuis une bonne dizaine d’année, la langue française demeure pour lui un grand mystère ! Directeur financier de l’unité, il est reconnu par ses pairs pour sa grande compétence professionnelle.
Il n’en reste pas moins homme !!
Il est persuadé être un grand séducteur. ! D’un geste sensuel, il caresse constamment sa folle chevelure réduite à deux belle houppettes grisonnantes roulées sur le dessus de son front. Une paire de lunette posée à l’extrême bout de son nez et deux grandes dents affamées complètent son allure.
Un casanova contemplatif. Aucune femme, jeune ou moins jeune, n’échappe à son regard gourmand et bienveillant. Elles subissent toutes le même traitement. Il les observe, les déshabille de son œil curieux, et fixe audacieusement leurs courbes évocatrices jusqu’à ce qu’elles se pâment de gêne.
Emoustillé par les décolletés qui s’offrent à son regard et le cliquetis des talons aiguilles chargés de promesses, il vit en permanence sous haute tension.
Helen, sa secrétaire, petite boulotte aux cheveux frisés, lui est totalement dévouée. Elle le materne avec indulgence et lui trouve toujours un tas d’excuses. En réalité, elle s’amuse prodigieusement de toutes ses maladresses.
Plus vraie que nature, Helen est un personnage hors du commun. Elle est capable de dérider un régiment de « culs coincés » à elle toute seule en un temps record ; sa vie sociale est très remplie. On se l’arrache. Toujours prête à rire, son vocabulaire très imagé, parfois même grivois sans jamais être vulgaire, surprend, déroute et déclenche d’irrésistibles marées de fous rires. Travailler avec elle c’est un peu déguster un moelleux au chocolat, sans jamais en être écœurée.
William est anxieux aujourd’hui. Sa jambe le tourmente. En plus, le budget qu’il doit présenter ce soir n’est pas bon. Il a eu beau travailler une bonne partie de la nuit à le
refaire, les chiffres sont toujours aussi mauvais…
Le week-end précédent alors qu’il était sorti s’aérer en arpentant une des rues de son quartier, il aperçoit sur le même trottoir, une créature de rêve venant à son encontre.
Son rythme cardiaque s’accélère, il ralentit le pas. Envouté, il déshabille lentement l’apparition du regard.
Alors qu’elle arrive déjà à sa hauteur, la vénus avait détourné les yeux. Dommage ! mais quel corps sublime ! Ils se croisent, lui au ralenti tout en continuant de la scruter, tête dévissée pour profiter jusqu’à la dernière goutte de cette vision paradisiaque qui s’éloignait inexorablement.
Et boom ! Butant sur un pavé mal scellé, il s’étale de tout son long, sa jambe heurtant un bout de ferraille.
Oh my god! La douleur est fulgurante. Péniblement il se relève. Rapide tour d’horizon : personne, fort heureusement. Quelle humiliation !
En état de choc, il constate que du sang avait traversé son pantalon. Panique ! Retour laborieux et douloureux à la maison pour nettoyer la plaie et mettre un pansement.
Depuis, il ignorait soigneusement la zone du pansement car il craignait le pire (on sait bien que tant qu’on ne voit rien, il n’y a rien) … Mais tout de même, plus les jours passent, plus il a mal. Et ce matin, alors qu’il le retire pour la première fois, il avait failli s’évanouir.
A douleur aigue, décision radicale : Helen devait le sauver !
Il lui faisait entièrement confiance et se reposait totalement sur son savoir-faire et sa discrétion pour résoudre tous les désagréments de son quotidien. Il lui en était éternellement reconnaissant.
Mais dans ce cas précis, pour rien au monde il ne lui avouerait sa mésaventure. Beaucoup trop dur pour l’égo.
C’est d’une voix agonisante qu’il l’appelle.
Elle ne tarde pas à arriver, William étant un peu hypocondriaque, elle n’accoure plus comme auparavant !
Tassé dans le fond de son fauteuil, il lui désigne sa jambe.
Qu’est-ce qu’elle a c’te p’tit bête !! ne peut-elle s’empêcher de se demander
Sans un mot et sous ses yeux interloqués, il remonte son pantalon. La hanche positionnée à 45 degrés, il exhibe son mollet.
Helen réprime une moue de dégout, Une grosse plaie rougeâtre suinte « mangeant » la presque totalité de sa jambe. (Pas beau constate-t-elle, on dirait un mollet de coq déprimé. !)
– Comment est-ce arrivé ? s’inquiète-t-elle
William secoue la tête : je ne sais pas !
Helen fronce les sourcils : -vraiment ? !!
Sous son regard inquisiteur, sa bobine de martyr ne bronche pas. Le pantalon toujours relevé à mi-jambe, il gémit.
Helen reste pensive.
Plus « sport-télé » que « sport terrain », comment a-t-il bien pu se blesser ?
-La plaie n’est pas belle constate-t-elle à voix haute. Elle poursuit le fond de sa pensée : Je ne voudrais pas vous affoler mais elle risque de s’infecter si vous ne faites rien.
Assommé, William se tasse encore plus dans le fond de son fauteuil.
Elle lui suggère alors de passer à la pharmacie.
A cette proposition, il la regarde les yeux paniqués. Il a la phobie du monde médical. (Helen le sait bien car elle doit systématiquement l’accompagner pour ses prises de sang, sinon le grand homme s’évanouit !).
Silence tumultueux.
-Pouvez-vous m’accompagner ? quémande- t-il enfin d’une petite voix.
Helen souffle. Quel « doudouille ». – Le temps de terminer un mail négocie-t-elle et nous y allons.
Soulagement audible et petit murmure plaintif « so painful », « so painful » (si douloureux !).
Mais où est donc passé mon vaillant bourreau des cœurs ? !! se demande Helen
Elle a à peine le temps d’appuyer sur la touche « send » que William est déjà là, manteau sur le dos, prêt à se rendre à l’abattoir ….