Babette n’arrive plus à faire semblant. A faire comme si tout allait bien. Alors que non, tout ne va pas bien.
Après l’euphorie du réaménagement de sa vie et l’explosion de toutes les fantaisies imaginables pour la customiser, la nouvelle routine s’essouffle et soubresaute. Babette n’en veut plus.
Le téléphone ne sonne plus. Pourtant la batterie est bien chargée, chaque jour, Babette s’en assure, au cas où…Les messages se font de plus en plus rares, voire inexistants. Même les relances publicitaires ont disparu ! Et les mails ! Babette est persuadée que sa boite est hors service.
Oubliée. Zappée du reste du monde ou du moins de ce qui reste de son réseau social. Même ses potes ! Ils sont tous partis sans préavis. Ses compagnons de toujours, les livres, l’ont abandonnée sans même lui dire aurevoir.
Ils vivaient pourtant une belle histoire d’amitié et ils ne l’avaient jamais lâchée depuis le coup du couvre-feu, sous les draps, à la lumière de la lampe de poche -avant-hier, quoi – ! et ensuite ils la retrouvaient systématiquement sur le canapé pour des après-midi-paresse, sur sa table de chevet pour préparer ses rêves, à la plage pour tromper l’ennui….
Eh bien, pas une ligne depuis le confinement !
C’est vrai que ma tablette s’est imposée comme une évidence, se dit-Babette ; en chassant toute velléité de papier, j’ai dû les vexer … tout n’est peut-être pas perdu…
-Allez, revenez ! Les implore-t-elle, je vous ai gardé la meilleure place ! Silence.
Normal, il leur faut un peu de temps pour me pardonner. En attendant leur ralliement, les mêmes ritournelles à la radio et les vus et revus du siècle dernier à la télé meublent le silence.
Babette boude. (Souvenirs, souvenirs !)
Et ce tête-à-tête qu’elle ne veut plus tenir avec elle-même. : elle n’a plus rien à se dire ! Elle n’a pas envie de faire ce qu’elle devrait faire : la déclaration des revenus (déjà en temps normal, c’est galère) ou le ménage du printemps Aucun intérêt.
Next. On passe, Au suivant ! …Envies d’autres choses…
Envie de course contre la montre. Envie de courir après le bus, de se retrouver bien au chaud dans le métro. Envie de se perdre dans un grand magasin. Envie d’acheter autre chose que pour manger. Envie d’aller au resto et de se retrouver autour d’une table avec ceux qu’on aime pour partager un bon repas ; de siroter un café en terrasse ; d’aller au ciné. Envie de courir à perdre haleine, de se perdre dans les bois…. Comme avant, quoi ! Pester contre la foule, contre le manque de temps…
Retournement spectaculaire de veste : Babette rêve de tout ce qu’elle déteste !
J-10 : le début d’une ère nouvelle. Elle en salive ! le quotidien qui se teinte de mystère… Vivement son avènement. Et les projets ?! elle les pensait enterrés à tout jamais, mais les voilà revenus ! en plus, ils ont fait plein de petits.
Babette piaffe. Au garde à vous, elle est prête à dégainer.
Dans dix jours, se dit Babette, mon ersatz de vie va céder sa place à ma vraie vie. Différente mais captivante, c’est sûr… Plus que dix jours…je commence le compte-à-rebours.
