Babette ne peut s’empêcher de regarder dans le rétroviseur.
Elle l’a eu, son Noël ! finalement. Différent des autres, bien sûr mais il était là ; discret, sobre, mutin, presque !
Il est arrivé à pattes de velours. Son arrivée silencieuse a surpris tout le monde. Pas de flonflons ; pas d’extravagance, il s’est présenté comme une vieille connaissance fidèle et sincère.
Revoir ce vieil ami alors qu’on n’y croyait plus, c’était la récompense, le cadeau inattendu… comme lorsqu’on retrouve quelque chose de précieux que l’on croit avoir perdu à tout jamais.
Babette a manqué l’excitation joyeuse des préparatifs, la joie de surprendre, le plaisir de goûter, palper, essayer. Trop compliqué. L’esprit était ailleurs, encombré d’autres préoccupations et elle s’était égarée comme une âme en peine entre statistiques sanitaires, vaccins et tests, et le temps s’était écoulé ne lui laissant plus l’option de se retourner.
L’idée d’ailleurs, de retrouvailles, de ripailles, de partages commençait à dégager une vieille odeur de naphtaline, comme un relent de passé proche mais anachronique. Presque à l’en dissuader de le fêter, ce Noël…
Et pourtant…
Il était bien là. Mais pour cette occasion inédite, il a exigé quelques changements. Adieux élans affectueux et spontanés ! Adieux bisous chaleureux sur joues tendues ! Les distances sont à maintenir ; les masque aussi… La joie et la reconnaissance doivent impérativement passer par le regard. Drôle d’exercice …qu’il faut réussir à tout prix au risque de passer pour ingrat !
On dit que le regard est le reflet de l’âme…
Manifestation de bonheur inattendue dans cette tourmente incontrôlable, Noël 2020 cristallise le moment inespéré et joyeux du rassemblement familial. La liberté fraichement acquise du mouvement, le droit de se débarrasser de la montre pour une fois, le temps d’une soirée.
Un Noël de rescapés heureux de leur sort !