20h00
Ce soir, le Président a une tête d’enterrement. Il lâche le verdict : Re con fi ne ment.
Babette avait fait l’autruche. Jusqu’au bout. Accrochée envers et contre tout à sa nouvelle liberté conditionnelle, tout allait bien. Pourtant, ces derniers jours, la rumeur d’un nouveau confinement s’était faite tapageuse et malgré les coups de semonce, Babette n’entendait rien et restait obstinément enveloppée dans la douce torpeur de son cocon moelleux.
On le sait, les médias dramatisent toujours.
Puis « couvre-feu ». Ce mot-là est sur toutes les lèvres ; et il est suivi d’effet. La vie est à nouveau chamboulée. Montre en mains, on se presse pour rentrer. Plus de soirée. Plus de sorties. Babette accepte le compromis sans trop de ruades.
Ces derniers mois, elle s’en était donnée à cœur joie. La période estivale avait été fabuleuse. Tout avait un goût extraordinairement délicieux. Enfin, avec les limites que nous connaissons. Impossible de se jeter dans les bras des uns des autres mais tout de même la liberté était fantastique. Respirations profondes. Oxygénation maximum. Un horizon qui n’en finit plus de s’élargir. Le bonheur quoi !
Le cauchemar vécu pendant cinquante-cinq jours n’était plus qu’un mauvais souvenir. D’ailleurs, l’avions-nous vécu ou rêvé ce confinement ? En tout cas, pour Babette, tout ça c’était de l’histoire consommée. Le virus était reparti, dissout dans l’air comme une malédiction qu’on aurait réussi à lever.
Mais ce soir, les mots claquent : « morts » ; « confinement », « autorisation », « amendes ».
Un écho que l’on ne veut pas entendre. Des visions que l’on ne veut plus voir. Les files d’attente. Les rayons dévastés. Les incivilités.
L’angoisse s’installe. Fuir ? où ?
Silence.
Comme dans le jeu du chat et de la souris, Babette vacille entre l’envie étourdissante de fuir vers la liberté et le désespoir d’être coincée à tout jamais dans un piège fatal. Elle ne veut pas revivre ce qu’elle a vécu. Son tête-à-tête risque d’être terrible.
La petite souris s’affole.
La soirée est encore jeune mais Babette se couche et se recroqueville en position fœtale, la couette sur sa tête.
Peut-être qu’au réveil, les choses seront-elles différentes ?