Noël à la ferme

Des histoires du temps jadis

Noël à la ferme

1940
C’est Noël, aujourd’hui.
A la ferme, comme dans les autres fermes, pas de guirlande, pas de décoration, pas de sapin. Même pas de neige cette année ! Rien. Un jour presque comme un autre.

Jean-Marie se réveille en sursaut. A côté de lui, Roger dort toujours, occupant plus de la moitié du lit, comme à son habitude. La veille, au moment de se coucher, ils s’étaient battus ; ou plus exactement Roger lui avait donné des coups de pieds, et lui, il ne s’était pas laissé faire. Le père s’était mis en colère et ils avaient reçu un bon coup de baguette chacun. Cela les avait calmés ; ils s’étaient rageusement tourné le dos et s’étaient endormis peu de temps après.

Le problème c’est qu’ils devaient partager le lit. Il n’y en avait pas d’autre. Et Roger prenait toute la place.
La veille, la soirée avait été calme, plutôt agréable. Ils avaient eu le droit de rester un peu plus longtemps pour déguster les marrons grillés.
Avant d’aller se coucher, ils avaient déposé leurs sabots, bien nettoyés, la mère y tenait ! au pied de la cheminée.
On leur avait répété qu’ils n’avaient pas été très sages cette année et que le père noël ne passerait peut-être pas. Et bien sûr, il a fallu que le Roger commence à l’embêter….

C’est Noël aujourd’hui ! Jean-Marie est excité malgré tout, il se dresse sur son séant et entreprend de descendre du lit en enjambant son frère endormi ; mais son geste trop ample le fait atterrir sur le plancher. Boom ! Aie, ça fait mal ! il tombe de haut car le lit est perché sur une estrade !

Au pied de la cheminée

La grande pièce est déserte mais la grosse flambée crépitante diffuse une bonne chaleur. Les parents sont dehors, autour des animaux, sans doute, comme tous les matins.
Il se précipite vers la cheminée. Deux belles oranges dans chacun de leur sabot ! Le père Noël était tout de même passé ! Jean-Marie a les yeux brillants.

La première fois qu’il a vu ce fruit, c’était l’an dernier. L’oncle Ambroise leur en avait apporté une chacun. – d’ailleurs, c’est peut-être lui, le père Noël ?!

Jean-Marie avait peine à croire que ce magnifique fruit se dégustait. Lui, ce qu’il connaissait, c’étaient les pommes et les poires, mais les oranges ?! Il n’en avait jamais vu nulle part. Elles devaient venir de loin, d’un endroit merveilleux sans doute où tout devait être différent et cela le faisait rêver.

Quelle était belle cette orange-là ! Il s’en souvient encore ! La boule était grosse, parfaitement ronde, d’un orange brillant. Il l’avait cachée pendant plusieurs jours, car il soupçonnait Roger de vouloir lui chiper, puis il s’était décidé à la goûter ; la saveur piquante, douce, fraîche et sucrée de chacun de ses quartiers l’avait conquis. Envie d’en manger plus.… Mais il n’y en avait pas d’autres !

A son tour, Roger se réveille et se dirige plus posément vers la cheminée. La vérité sur l’existence du père noël lui brule les lèvres. Mais il ne dira rien…il n’a pas le droit, il a juré aux parents et en cas de fuite, la punition risque d’être douloureuse.

-des oranges ! deux, en plus ! On est gâtés reconnait-il. Tu les mange tout de suite ? demande-t-il à Jean-Marie
– je ne sais pas répond prudemment Jean-Marie ; il se méfie toujours de son frère qui n’hésite jamais à lui jouer des tours pendables.
Il serre jalousement ses deux oranges contre lui et part à la recherche de ses parents.

Les parents rentrent justement, pour prendre leur petit déjeuner avec eux.

-alors, et ce père Noël l’interroge Eugénie, je vois qu’il est passé ! Pourtant à vous battre comme des chiffonniers, il aurait pu en décider autrement…
-oui ! ! tu as vu mes belles oranges ! Jean-Marie tout excité lui montre son trésor

-tu ne vas pas attendre une semaine avant de les manger, celles-ci ? lui demande sa mère en souriant. L’an dernier, il avait eu du mal à se séparer de la belle boule orange ; mais, sous la menace de la voir pourrir, il avait fini par la décortiquer et la manger et aurait bien aimé en manger d’autres.

-non, je crois que j’en mangerai une pour mon dessert, ou pour mon goûter lui répond-il

La famille s’attable pour prendre le petit déjeuner. Une bonne odeur de café embaume la pièce et le pain frais se dévore avec appétit.

Préparatifs pour une sortie en famille

-Grande toilette ce matin, les garçons, aujourd’hui, c’est comme un dimanche, leur rappelle leur mère.

Les mines s’allongent. Ils ont horreur de ça ! d’abord il fait froid, même si le baquet est dans la cheminée ou presque, et devoir se dévêtir ainsi…. Mais ils n’ont pas le choix. La mère est intraitable sur la propreté.

Eugénie met l’eau à bouillir dans le chaudron ; il lui faudra plusieurs seaux pour remplir le baquet et obtenir une eau à bonne température.

-C’est prêt ! vous pouvez venir vous laver, annonce-t-elle

Sans trop faire d’histoire, les garçons s’approchent du baquet, se savonnent, s’éclaboussent, se rincent …l’idée est de finir le premier ! C’est Roger qui l’emporte cette fois-ci.

Pendant ce temps, Eugénie prépare leurs vêtements ; ce sont ceux du dimanche ; ils les mettent pour la messe ou pour des occasions exceptionnelles. Pantalon à mi- genoux, chaussettes de laine, gros pulls bien chauds, et manteaux.

Les cloches sonnent. C’est le signal. Ils n’habitent pas très loin du bourg. La famille est prête et se met en route.

Jean-Marie décide de marcher à cloche pied pour s’amuser. Regard noir de sa mère ; oui, il le sait, il ne faut pas qu’il se salisse… ! Roger, lui s’est éloigné et a rejoint quelques copains. Les familles se retrouvent sur le chemin et c’est en groupe qu’ils entrent à l’église.

 

Une journée de fête

Jean-Marie est heureux. Il se passerait bien de la messe, mais il ne peut pas s’échapper. Ce qu’il attend avec impatience c’est son grand père ; il raconte plein d’histoires et Jean-Marie est toujours pendu à ses lèvres.

Il ne sait jamais si ce sont des histoires vraies ou des contes. La dernière fois, celle avec le loup, lui avait fait un peu peur… mais il a hâte d’en écouter d’autres.

Ce midi, pour le déjeuner, ses grands parents seront là et il est impatient de les retrouver.

Eugénie a déjà tout préparé ; un bon poulet accompagné de pommes de terre et une crème aux œufs en dessert. Pour l’occasion Jean débouchera une bouteille de vin.

C’est Noël après tout !

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